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Mathias Énard
Cher ami, Évidemment, il faut les vendre.
C’est
regrettable,certes,attristant,même,maisilfaut
les vendre.
Nous en sommes bien conscients.
Nous qui fréquentons votre établissement au
moins aussi souvent que le débit de boissons,...
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79
Mathias Énard
Cher ami, Évidemment, il faut les vendre.
C’est
regrettable,certes,attristant,même,maisilfaut
les vendre.
Nous en sommes bien conscients.
Nous qui fréquentons votre établissement au
moins aussi souvent que le débit de boissons,
nousadmettonscetteévidence.
Ilfautlesvendre.
Nous avons déjà renoncé à la plupart de nos prétentions, croyez-le.
Renoncé au rêve d’une boutiqueoffrantsursonétalunseulobjet,voiredeux
outrois–lesnôtres.
Celaauraitétél’idéal,notez
bien.
Un magasin qui pourrait s’enorgueillir en
façade d’unproduit unique (voire deux ou trois,
nous l’avons admis) et porterait notre nom, où
l’onnetrouveraitpastouscesgensencombrants
à nos côtés, non pas qu’ils nous fassent honte
(du moins pas mortellement), mais à cause de
la sourde jalousie qu’ils provoquent en nous.
Il
faut les vendre.
Nous comprenons.
On ne peut pas les donner,c’est une évidence
quenousconcevons.
Nilesdonner,nilesbrûler.
Ils disparaîtront bien assez tôt, d’eux-mêmes,
de toutes façons.
La
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